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Antoine Dufeu est auteur associé au cneai = depuis novembre 2020. Dans la rubrique FEUILLETON de la newsletter du cneai =, il vous invite à lire des textes en cours d’écriture et des textes inédits. Prébende est le titre d’un livre en cours d’écriture repris ici par opportunité.
I) La majeure
Un extrait de Blanchiment (en cours d’écriture)
Guy Debord dans ses Commentaires sur la société du spectacle a écrit parfaitement: « Tout ce qui n’est jamais sanctionné est véritablement permis ». C’est faire du verbe permettre et du champ lexical qui y est associé une horreur que de laisser les dirigeants d’entreprises faire si souvent n’importe quoi à l’égard des salariés. Il y a eu certes quelques procès retentissants dont le plus emblématique est celui de France Telecom mais combien de dirigeants de centaines d’entreprises de toutes les dimensions, certainement pas fantomatiques, de la TPE à la multinationale en passant par la PME ou la PMI dérogent-ils sciemment et méthodiquement au droit du travail, méprisent la législation. Une rhétorique raffinée octroyée par la succession des pouvoirs en place s’est régulièrement enrichie autour de la thématique du licenciement ou de l’amélioration des performances des entreprises: procédure de sauvegarde, accord de performance collective, procédure de conciliation, plan de sauvegarde de l’emploi alias PSE, rupture conventionnelle collective, plan de départ volontaire mais bizarrement ce sont systématiquement les directions qui sont à l’initiative toute volontaire et dirait-on accessoirement courageuse du déclenchement de ces plans en un mot comme en mille sociaux. On se demande souvent si les gens vont parler, faire ou dire quelque chose et ne pas se rendre à l’évidence d’aller consulter tôt ou parfois contraints et forcés tard la médecine. Mais rien n’y fait. Un dialogue social à sens unique est substitué au Code du travail à coup de débauches aux motifs financiers. Tout contrat de travail est placé sous la coupe de cabinets par lesquels avocats ou avocates sont rétribués par des entreprises qui les sollicitent afin qu’icelles puissent accroître leur rentabilité ceux-là assortissant leurs services de conseils juridiques savamment orchestrés par des lois d’orientation votées sous la pression des plus influents ou des plus puissants au détriment du tout-venant que l’on a présentement nommé Arthur Gonzalès-Ojjeh, Ellen Bretton-Woods and Co. et que l’on nommera au gré des circonstances et des situations Roberto Escuelos ou Daisy Belle car faute d’avoir encore une idée de la citoyenneté les sièges des assemblées politiques deviennent des places inamovibles qui sont occupées par ce que l’on peut appeler sans se gargariser ou se donner un genre, des lobbyistes. En même temps, apprend-on aux policiers et aux policières autres que municipaux et municipales à viser les pieds ou les jambes plutôt que le torse ou la tête de même qu’à former des cercles concentriques et autres figures géométriques de défense active ? Manifestement pas.
II) Le mineur
Un extrait du « Livre V » (en cours d’écriture)
Fait expresse et expressément obturé à la vue de tout un chacun le Traité des contrats que Pierre de Jean Olivi — PDJO pour les intimes — a rédigé à Narbonne (France d’aujourd’hui on est en l’an 2021) ne sous-entend pas que les volumes seraient de l’ordre de la nature et les prix tellement artificiels. Il y pose au demeurant de singulières questions par exemple la troisième de la première partie qui est intitulée « Des achats et des ventes » savoir si en raison d’une disette ou d’une pénurie générale ou individuelle, le prix des biens peut être augmenté. Il y discute de prébende, de simonie ou d’usure. Il lui arrive de comprendre parfois le verbe « vendre » au sens de fournir quelque chose afin de recevoir un équivalent. À propos des contrats usuraires, il avance que vendre ce qui n’existe pas ou vendre deux fois la même chose constitue une iniquité flagrante. Il observe que peu de personnes sont disposées à prêter sans l’espoir d’un bénéfice temporel, qu’importe la gloire serait-on tenté de commenter. Avant cela il se demande par la question huitième si, pour un prêt qui a été fait, recevoir davantage que ce qui a été prêté est contraire au droit naturel et divin. Il observe plus loin que l’oppression impie du pauvre est contraire au droit naturel (mais l’oppression n’est-elle pas uniment et de manière rédhibitoire antithétique au droit?). Quant à l’interrogation il y répond dans un premier temps par la négative car il est équitable et licite de rendre un service pour une service et une faveur pour une faveur le tout assorti d’une pacte parce qu’il est question de bienfait équivalent (mais que serait un méfait ou un mal-fait équivalent? et ne tient-on pas par-ci par-là les prémices d’un good- voire d’un bad-will?). Il n’hésite même pas à invoquer la gratitude lorsque un cadeau modique ou un menu présent remercie d’un prêt fait. Prêter à intérêt est présenté comme une permission divine par recours au Deutéronome 28 et encore au Deutéronome 23 où il est établi qu’il est permis de prêter à usure non point à son frère mais à l’étranger. Ambroise lui-même en sa Cause 14 question 4 prône d’exiger l’usure de celui à qui on désire nuire à bon droit. Quant à l’interrogation finalement il y répond par la positive on l’aura compris en raison de l’autorité de l’Écriture.
INFOS PRATIQUES
{Le 1er décembre 2021 pour fêter la fin de cette résidence numérique, le cneai = a invité Antoine Dufeu a une lecture publique de ces différents extraits publiés dans la newsletter depuis novembre 2020. }