Le Quadrilatère
Commissariat: Sylvie Boulanger, Keren Detton, Lucy Hofbauer
“L’Exposition Mobile” est une exposition itinérante de Yona Friedman qui s’appuie sur un fonds exceptionnel d’œuvres conservées par le CNEAI = au Frac Grand Large — Hauts-de-France à Dunkerque.
Quadrilatère, Centre d’art contemporain de Beauvais :
A la veille d’une importante période de travaux de restructuration de son bâtiment, le Centre d’art de Beauvais ouvre sa dernière saison artistique et invite le public à de nombreux rendez-vous festifs : trois expositions, des performances, des rencontres, des visites-ateliers, avec – en point d’orgue – le lancement de son programme d’art dans l’espace publicle soir de la Nuit européenne des Musées.
Hors-les-murs – Le Musée sans bâtiments au Parc Dassault :
Projet de Yona Friedman emblématique de ces « utopies réalisables », le Musée sans bâtiment sera activé en deux temps par Le Quadrilatère : premièrement dans l’espace même de l’exposition. Constituée de cerceaux en aluminium de 130 cm de diamètre et de hula hoops rouges de 75 cm de diamètre, la structure accueille les créations des visiteurs réalisées dans le cadre des Ateliers sauvages. Le Musée sans bâtiment se transformera perpétuellement pendant toute la durée de l’exposition au gré des contributions. A l’occasion de la Nuit des Musées le 14 Mai 2022, un second Musée Sans Bâtiment (cette fois réalisé à échelle monumentale) sera installé et inauguré au Parc Marcel Dassault, un jardin public très populaire attenant à la piscine et à la patinoire de Beauvais. Il prendra également la forme de multiples ateliers géants et collaboratifs.
L’Exposition Mobile : un projet collectif
« Aujourd’hui nous construisons trop. La Terre est sur-construite, la Terre est sur-planifiée, la Terre est sur-cultivée. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas besoin d’architectes, d’urbanistes ou d’agriculteurs, mais nous devons changer les règles. » Yona Friedman
Consacrée à l’artiste, architecte et urbaniste Yona Friedman (1923-2020), un an après sa disparition, cette exposition s’appuie sur un fonds exceptionnel d’œuvres conservées par le cneai = au Frac Grand Large — Hauts-de-France à Dunkerque. Ce fonds – constitué de maquettes, dessins, films et éditions – sera déployé, reconfiguré, augmenté et approprié par différents lieux singuliers de la région des Hauts-de-France sur plus de 5 000 m2. L’exposition s’étendra à leurs voisinages, en infiltrant notamment l’espace public et en associant des acteurs du monde associatif, culturel, éducatif et social. Ces actualisations feront de
« L’Exposition Mobile » un creuset d’histoires vivantes où se joueront différentes formes d’apprentissage, d’essais et d’improvisations sur le vivre-ensemble. Ainsi, il s’agira autant de cerner le penseur qu’était Yona Friedman que de créer une proximité avec les habitants et leur offrir la possibilité de jouer avec ses idées en trouvant leurs propres moyens de compréhension et d’action.
Commissariat de : Sylvie Boulanger, Keren Detton, Lucy Hofbauer
Avec la participation de : Thibault Fournaise, Jérôme Garnier, Sandrine Joly, Sébastien Krajco, Sandrine Labar, Nathalie Lacroix, Christophe Le Guennec, Léonie Macquet, Pascal Neveux, Nicolas Nief, Maria Rabbé…
Remerciements à Marianne Friedman-Polonsky.
L’exposition
Une vie et une œuvre en mouvement
L’architecture de survie donne à Yona Friedman matière à réflexion sur nos besoins fondamentaux dans un écosystème soumis à la raréfaction des ressources. Né en 1923 en Hongrie, il commence des études d’architecture à Budapest, interrompues par la Seconde Guerre mondiale. Réfugié en Roumanie, il fait l’expérience des camps avant de s’installer dans un kibboutz en Israël et retourner à l’architecture. C’est là qu’il développe une approche originale de l’habitat qui se fonde sur l’expérience de l’usager. En 1957, il réunit le Groupe d’Étude d’Architecture Mobile (GEAM) et promeut l’utilisation de structures flexibles constituées d’éléments préfabriqués. Ses idées retiennent l’attention de personnalités telles que Le Corbusier ou encore Jean Prouvé, qui l’invite à s’installer en France. Il ne cessera ensuite de transmettre ses idées dans les plus prestigieuses universités américaines et européennes et à travers plus de 500 articles et publications.
« L’Exposition Mobile », l’architecture et la vie en commun
Le titre de cette exposition rend hommage à son ouvrage majeur L’Architecture mobile (1958), où Yona Friedman développe ses idées de Ville-Spatiale. Il imagine des habitats modulaires, évolutifs en fonction des besoins qui changent avec le temps. Parce que « la société humaine est implanifiable », il convient selon luide laisser aux habitants la liberté de modifier leur habitat. Ces constructions en hauteur favorisent l’agriculture urbaine, tiennent compte de l’évolution démographique et des ressources limitées. Des idées qui s’incarnent dans une multiplicité de maquettes et de dessins originaux, et qui révèlent un processus de création fondé sur l’économie, le recyclage et l’improvisation.
La puissance des images et des symboles
Homme de la transmission et du dialogue, pragmatique plus qu’utopiste, Yona Friedman développa un langage à caractère universel fait de pictogrammes aisément reconnaissables. Ses bandes dessinées, ou «manuels », sur le logement, la santé, l’alimentation, l’environnement urbain et les structures sociales ont été largement diffusés, dans le cadre de ses missions pour l’Unesco dans les années 1970. Elles demeurent un véhicule puissant pour la transmission de ses idées humaniste et positives.
La forme du Slide-Show (diaporama), à la fois ludique et dynamique, permet d’appréhender des systèmes complexes d’approvisionnement, de réseaux et de flux et de mettre en évidence les difficultés de communication entre les humains, par un trait simple et direct. Au sol, sont peints des pictogrammes extraits de son Dictionnaire (à compléter par le lecteur). Yona Friedman choisi des thèmes (« communiquer », « groupe», « improviser »…) auxquels il associe par affinité des mots-images. Mais à la question d’illustrer « la liberté », il répond : « Liberté tout court ne veut rien dire : on ne peut pas le dessiner. On peut être libre de… se déplacer… de parler… de manger ou de travailler, et ça je peux le dessiner. »
« L’Exposition Mobile » invite ainsi chaque visiteur à redonner du sens aux mots, à les mettre en relation et en commun. Yona Friedman est également l’auteur d’un univers onirique et fantastique, dont est issu le dessin de La Licorne. Il puise ses sources dans les contes et symboles africains, indiens et amérindiens, et dans ses propres mythologies personnelles. Une manière poétique de partager aussi ses rêves.
Les œuvres
Au Frac Grand Large seront présentés des maquettes, des dessins-collages
de la Ville-Spatiale, des manuels, le Slide-Show Architecture, deux dessins à l’échelle du bâtiment (Les Pictogrammes et La Licorne) et le documentaire « Yona Friedman : un habitant indiscipliné » (dvd, Paris : La Huit Production/CNEAI =, 2017).
Les Pictogrammes
« Quand je dis un mot je ne sais pas ce que l’autre comprend. Quand je montre une image on comprend la même chose. »
Ces paroles prononcées par Yona Friedman résument à la perfection une de ses productions majeures, l’invention d’une nouvelle forme de langage. En 1974, Yona Friedman commence ainsi le projet d’une vie, qui est la création et la publication d’un nouveau type d’écriture, en pictogrammes, avec pour objectif de constituer à terme un système de communication universel.
Ce nouveau vocabulaire, enrichi de manière continu, sera l’objet de Manuels, véritables dictionnaires diffusés à partir des années 1970 par l’UNESCO où Yona Friedman est alors chargé de l’information. Rappelant dans sa forme les hiéroglyphes qui viennent des civilisations égyptiennes ou précolombiennes, le corpus que crée Yona Friedman est basé sur le dessin et la représentation d’actions concrètes.
Chaque concept prend ainsi immédiatement une forme reconnaissable par tout le monde, loin de l’abstraction des différents langages actuels dont l’artiste se méfie particulièrement. Les pictogrammes de Yona Friedman constituent en définitive un creuset où se mêlent étroitement l’art et la communication. Chaque idée devient une expression artistique à part entière, dont la géniale simplicité peut permettre à tout un chacun de se l’approprier.
Par cette utopie de langage, Yona Friedman cherche avant tout à recréer du lien ainsi qu’une nouvelle forme d’échange, tout ceci dans le but de parvenir au droit fondamental qu’il souhaitait voir ajouter à la liste des droits de l’homme : le droit de comprendre.
La Licorne
La Licorne est une œuvre monumentale conçue par l’urbaniste, architecte et artiste Yona Friedman.
À côté des nombreux travaux dessinés initiés dans les années 1960 qui touchent aussi bien à l’urbanisme qu’à l’invention d’un nouveau langage, Yona Friedman se met également à construire de nouveaux mythes faits de papiers colorés découpés et assemblés. Conçu dans un premier temps dans le but de décorer le bureau de son appartement parisien, ce monde de papier va s’imposer dans les habitats successifs de l’artiste pour y prendre au final une place de premier plan et devenir un grand œuvre.
Le mythe produit par Yona Friedman (inspiré par Les contes des Mille et une nuits et les fables traditionnelles africaines mais également par la peinture indienne) propose une vision paradisiaque du monde, nourrie par ses théories quant à la manière de mieux habiter notre planète.
La licorne est alors une figure récurrente de cet univers. Cet animal légendaire, présent dans nombre de mythes européens, orientaux ou asiatiques, incarne deux des valeurs les plus importantes aux yeux de Friedman, la liberté et le bonheur.
Les licornes deviennent de véritables alter-ego de l’artiste à partir des années 1990 et se multiplient alors pour finalement se monumentaliser, avec l’exemple de la Licorne Eiffel, réalisée en 2009 sur l’île de Vassivière, et de mêmes dimensions que la tour Eiffel. La version de La Licorne présentée aujourd’hui dans la Halle AP2 est adaptée aux dimensions gigantesques de ce symbole du patrimoine dunkerquois. Réalisé avec des bombes de peinture, ce dessin invite par ses proportions à prendre de la hauteur pour le voir dans son intégralité.
« L’Exposition Mobile » en tournée
L’exposition sera également présentée à :
– Idem + Arts à MAUBEUGE (24/09 – 28/11/2021)
– au Quadrilatère à BEAUVAIS (12/03 – 03/06/2022)
– au Frac Picardie à AMIENS (Chapitre 1 : 17/04-03/10/2021
Chapitre 2 : 05/02-24/04/2022)
Chaque lieu d’accueil déclinera à sa manière le noyau constitué par les œuvres du cneai = qu’il associera à des programmations de films, des œuvres in situ et des invitations à des artistes contemporains.
Tous les lieux partenaires sont engagés dans une démarche de transmission: visites, conférences, ateliers et projets participatifs. Des liens particuliers seront noués avec les écoles et les écoles d’art et d’architecture de la région.
« L’Exposition Mobile » se déploiera également dans l’espace public avec la présentation du Musée Sans Bâtiment à Maubeuge et à Beauvais.
Le Musée Sans Bâtiment est un musée sans porte, sans mur, sans toit, ouvert aux expositions de toutes et tous, aux habitant.e.s, aux débats publics, aux coutumes sociales, aux économies, aux écologies. Cette structure imaginée par Yona Friedman dans les années 1960 annule la distinction entre contenant et contenu, entre œuvres et architecture. Son but est de stimuler et de provoquer des idées et des initiatives. C’est un appel à faire soi-même des projets qui ne nécessitent pas de compétences extérieures à soi.
Dans le cadre du projet, les lieux partenaires contribueront à de nouvelles productions :
– Une publication autour du « Musée sans bâtiment » et son itinérance dans les Hauts-de-France
– L’édition d’un nouveau Slide Show de Yona Friedman avec une création musicale inédite commandée à des artistes
– Et un séminaire sur « Le jeu et l’architecture en jeu » dans l’œuvre de Yona Friedman (date en cours de programmation)
Biographie de Yona Friedman
Yona Friedman est né en 1923 à Budapest (Hongrie). Après avoir effectué ses études à Budapest puis à Haïfa, il débute sa carrière en Israël, où il vit et travaille de la seconde moitié des années 1940 à la fin des années 1950. C’est à cette époque qu’il commence à s’intéresser à la question du logement social et à développer les concepts d’« architecture mobile » et de « ville spatiale ». En 1956, il participe au 10e Congrès International d’Architecture Moderne (CIAM) de Dubrovnik, consacré à l’architecture industrialisée. Il y présente pour la première fois ses principes sur « l’architecture mobile ».
Dès son installation à Paris en 1958, Yona Friedman commence à publier ses idées et à les présenter à un public plus large par le biais de conférences et de publications, de cours dans les universités américaines et européennes, ainsi que d’expositions de dessins et maquettes. Durant sa carrière, il a notamment enseigné au Massachusetts Institute of Technology, à la Royal Academy of Fine art de la Haye, dans les universités de Cambridge, Harvard, Californie, Michigan, Princeton. En 1958, Yona Friedman fonde le Groupe d’étude d’architecture mobile (GEAM), auquel adhèrent entre autres, Frei Otto et Werner Ruhnau. Il cofonde en 1965 le Groupe International d’Architecture Prospective (GIAP), avec Walter Jonas, Paul Maymont, Georges Patrix, Michel Ragon, Ionel Schein, Nicolas Schöffer et Manfredi Nicoletti. En 1968, il publie son ouvrage le plus célèbre, Pour une architecture scientifique, écrit en réaction au manifeste de Le Corbusier Vers une architecture (1932).
À partir de 1980, Indira Gandhi, Première ministre indienne, appuie son action en Inde. Il publie plus d’une centaine de manuels consacrés au logement, à la santé, à l’alimentation et à la prise en charge par chacun de ses conditions de vie. Ces manuels sont distribués en Inde puis dans d’autres pays, traduits dans une trentaine de langues. Yona Friedman travaille également pour l’Organisation des Nations Unies (UNESCO), pour l’éducation, la science, l’économie politique et la culture. Il publie des rapports tels que No Cost Housing et Survival Techniques (1977). Son travail, qui se développe au-delà de l’architecture et de l’urbanisme, sur tous les champs du savoir autonome, tente de clarifier les questions politiques et scientifiques majeures qui conduisent à « habiter la terre » en toute responsabilité.
Au début des années 1980, il fonde le Communication Centre of Scientific Knowledge for Self-Reliance, qui dépend de l’Université des Nations Unies à Paris et dont le principal pôle d’activité est situé à Madras (Chennai). Sa coopération avec ces institutions se poursuivra jusqu’au 21e siècle.
Yona Friedman a réalisé de nombreux projets dans le monde et notamment à Tunis, Paris, Venise, Londres, Bruxelles, Abidjan, Amsterdam, Varsovie, Gibraltar, Shanghai, New York, Los Angeles, Nice, Osaka, Berlin, Madrid, Bonn, Stuttgart, La Haye, Vancouver, Barcelone, Angers, Strasbourg, Tokyo, Chennai (Madras), Francfort, New Dehli, Budapest, Tel Aviv, ‘Grand Paris’, Ottawa, Nagasaki, Rotterdam, Milan, Yokohama, Munich, Chicago, Kitakyushu, Vienne, Florence, Boulogne, Zurich, Rovereto, Séville, Lyon, Chatou, Bordeaux, Como, Cordoba, Ljubljana, Villeurbanne, Villacoublay, Brescia, Léon, Brégence, Lisbonne, Middelbourg et Istanbul.
Ses projets ont été exposés et sont entrés dans les collections de nombreux musées tels que le Moma (New York), le Musée d’art Moderne de la Ville de Paris, le Centre Pompidou (Paris), la Cité de l’Architecture et du Patrimoine (Paris), la Kunsthaus Bregenz, le cneai = (Chatou), la Serpentine Gallery (Londres), la Vleeshal de Middelburg, le Musac de Léon, l’Hyde Park Art Centre (Chicago), l’Espace de l’Art Concret (Mouans-Sartoux), la Fondation Getty (Los Angeles), le CAC de Vassivière, le CAPC de Bordeaux, le Drawings Center de New York, le Musée d’art contemporain de Lyon, l’Apple Art Center (Amsterdam), le Cabaret Voltaire (Zurich), le Museum of Contemporary Art de Chicago, le Power Station of Art (Shanghai), et le Netherlands Architecture lnstitute (Rotterdam). Il a participé à la Biennale de Venise (2001, 2003, 2005, 2009), à la Triennale de Yokohama (2001), à la Documenta XI (Kassel), à la Biennale de Shanghai (2002), à la Biennale d’Istanbul (2012), à la Triennale Architecture de Lisbonne (2011), à la Biennale de Valencia (2003), et à la Biennale de Lyon (2011). En 2008, le Getty Research Institute de Los Angeles acquiert les archives de Yona Friedman. En 2013, l’artiste accorde au Cnap une donation, exceptionnelle : les décors de son appartement parisien du boulevard Garibaldi. Cette «œuvre d’art totale» rejoint une collection riche de plus de 260 œuvres.
INFOS PRATIQUES
{Le Quadrilatère, Centre d’art de Beauvais
22 rue Saint-Pierre
60000 Beauvais}
PARTENAIRES
{Frac Grand Large} {Idem + Arts} {Le Quadrilatère} {Frac Picardie} {Fonds de dotation Denise et Yona Friedman} {Fondation RAJA}
LIENS ASSOCIÉS
{Le Quadrilatère}